Un programme d’Intervention civile de paix (ICP) consiste à envoyer d’équipes non-armées, formées à la résolution non-violente des conflits dans des zones de tensions. Il se construit toujours à partir d’une demande locale.

Le plus souvent, il s’agit d’une requête d’acteurs/trices de la société civile ou de populations qui, sur place, ressentent le besoin d’une présence internationale.

Parfois un État peut être lui-même à l’initiative d’une telle intervention. Des demandes découlent une ou plusieurs enquêtes exploratoires permettant d’analyser le contexte et de décider de la pertinence, la cohérence et potentielles efficacité et efficience d’une ICP. La demande préalable est donc une caractéristique fondamentale de l’ICP.
 
L’ICP s’appuie sur les structures et les mécanismes existants pour faire valoir les droits de civil.e.s, notamment le droit local et international. Aussi, les équipes déployées rappellent-elles constamment à l’État et/ou à la communauté internationale ; leur devoir de protéger ; les textes de loi signés et ratifiés.
 
Les interventions n’ont pas pour but de se substituer aux acteurs régaliens, ni d’empiéter sur leurs prérogatives. Bien au contraire, les intervenant.e.s se positionnent comme des tiers extérieurs qui encouragent l’État à investir son rôle et à remplir ses missions (protection et sécurité des citoyens) ou encore la communauté internationale à réguler des conflits armés entre États. Les équipes effectuent donc une veille constante, aux côtés des populations et des instances étatiques, pour s’assurer du bon fonctionnement des institutions juridiques, sociales ou économiques. Un objectif majeur de l’ICP reste l’établissement ou le rétablissement d’un État de droit effectif.
 
Au-delà du recours au droit pour limiter les actes de violence, l’objectif de l’ICP est la transformation pérenne des conflits violents en confrontations et débats politiques et civiques. Les équipes présentes ont donc également une fonction d’encouragement des acteurs/trices de la société civile souvent marginalisé.e.s, isolé.e.s ou instrumentalisés dans des sociétés polarisées. La présence et le regard international permettent de créer des espaces de rencontre et d’échange, la circulation et la formation d’acteurs de la société civile, bref ouvrent le champ des possibles pour les forces sociales locales.
 


Quelles sont ses missions principales ?

L’observation impartiale est au cœur du travail d’ICP : cessez-le-feu, désarmement des factions armées, réinsertion des anciens combattants, création de zones démilitarisées, atteintes aux droits de l’Homme, retours de réfugiés, évacuations/évictions, élections dans des zones de tension, manifestations, exhumations sont des événements porteurs de tension et de violence. Ils doivent pouvoir être observés, répertoriés et analysés avec rigueur et indépendance afin de conduire un processus viable et durable de démocratisation et de construction de la paix.

L’accompagnement d’acteurs/trices locaux menacé.e.s (leaders de communautés indigènes, d’ONG, journalistes, avocat.e.s, syndicalistes etc..) par des équipes internationales leur permet de mener leur travail en limitant les risques, menaces de violences physiques et politiques. C’est notamment le cas en Amérique latine depuis plus de vingt ans. Dans certains cas, il est également possible de pratiquer l’interposition non-violente.

L’ICP au sens large inclut tous les processus de diplomatie de proximité, de négociation et de médiation. L’intervention d’un tiers peut-être décisive pour servir d’intermédiaire entre parties en conflit, mais aussi pour transmettre des informations, limiter les rumeurs, etc. En amont des processus de négociation formels, les espaces de rencontre ouverts par la présence internationale permettent les rencontres indispensables pour créer la confiance minimum nécessaire à tout changement d’envergure comme un processus de dialogue ou de réconciliation.

L’ICP peut inclure certaines missions de formation (notamment à la sécurité personnelle et des données). Les réseaux ICP permettent à certains acteurs/trices locaux de sortir de leur zone pour témoigner de leur travail ce qui renforce leur visibilité et, souvent, leur sécurité ; La présence ICP permet le renforcement des liens entre acteurs/trices civils, entre réseaux locaux et institutions, mais aussi un rapport plus équilibré aux forces de l’ordre. Des conditions sine qua non de la réussite de processus de paix.

Leur impact

L’efficacité et l’efficience des méthodes et des programmes d’ICP sont évaluées comme dans toute opération internationale. Les impacts attendus de telles interventions sont une réduction de la violence vérifiable (sécurité objective) et l’augmentation du sentiment de sécurité publique (sécurité subjective). Cela passe par la capacité de la société civile à initier, coordonner et faciliter des mesures civiles de prévention de la violence au niveau local, la mise en place de mécanismes de réponse rapide et de mesures de protection, l’encouragement du dialogue et l’intégration du plaidoyer. L’accompagnement protecteur étant préventif, il est toujours difficile d’en évaluer l’impact direct (le « non-événement » est signe possible d’efficacité). La diminution du taux de violence contre les DDH/DESC dans les pays d’intervention est souvent estimée à partir d’un bilan comparatif des indicateurs liés au taux de violence contre les DDH et les militants des OSC (ONU, Amnesty International). L’augmentation du sentiment de sécurité dans les zones de conflits et notamment concernant les DDH accompagnés est évaluée à partir des témoignages et des rapports des équipes de terrain. Sur le long terme, les missions d’ICP visent à promouvoir l’État de droit.

Pour une analyse détaillée des méthodes et bonnes pratiques en matière d’ICP voir Furnari Ellen ed. (2016) Wielding Nonviolence in the Midst of Violence, Case Studies of Good Practices in Unarmed Civilian Protection, Institute for Peace Work and Nonviolent Conflict Transformation (Nordestedt, BoD).