Les grandes figures de l’ICP

« La non-violence est infiniment supérieure à la violence, le pardon est plus viril que le châtiment. Le pardon est la parure du soldat. »

Impossible de commencer cet article sur les grandes figures de l’intervention civile de paix (ICP) sans citer Mahatma Gandhi, qui considérait la non-violence comme « l’arme des forts ». Il défendait que si le choix ne devait se porter qu’entre la violence et la lâcheté, il conseillerait de choisir la violence. En revanche, il affirmait aussitôt que la non-violence était supérieure à la violence. En ce sens, l’homme a donc le choix entre violence, lâcheté et non-violence. Selon Gandhi, cette dernière est préférable ; ainsi, il existe forcément des formes d’intervention civile non-violente qui permettraient de faire face aux crises et aux conflits locaux qui surviennent sur un territoire. Considéré aujourd’hui comme l’apôtre de la non-violence, Gandhi a consacré sa vie à l’émancipation de l’Inde, déchirée dans des guerres religieuses et nationalistes sanglantes. Lui-même hindou, il n’a cessé de plaider pour la réconciliation des communautés hindous et musulmanes. Ses actions et notamment ses campagnes de désobéissance civile contre la loi britannique telle la Marche historique du sel de 1930 prouvent que « des moyens justes mènent à des fins justes ». Inévitablement, il est bel et bien impossible d’instaurer une société pacifique en ayant recours à la violence. Gandhi en était d’ailleurs convaincu : les Indiens ne devaient pas recourir à la violence ou à la haine pour se libérer du joug du colonialisme. Il a ainsi inspiré des mouvements non-violents de lutte pour les droits civils et des changements sociaux partout dans le monde. Toute sa vie durant, Gandhi ne s’est jamais arrêté de croire au bien-fondé de la non-violence, même dans des conditions oppressives et face à des difficultés apparemment insurmontables. Ce sont d’ailleurs les méthodes et les stratégies de Gandhi que Martin Luther King (MLK) a suivi jusqu’à devenir Prix Nobel de la paix pour son engagement non-violent contre la ségrégation raciale. Pasteur et militant pacifique, il a envisagé la non-violence comme un acte de résistance engagé et engageant. Il s’est alors battu pour les droits civiques et l’abolition de la ségrégation. Il a contribué à l’obtention du droit de vote pour les Afro-Américains et la fin de lois ségrégationnistes dans plusieurs villes des Etats-Unis. MLK savait d’ailleurs qu’il ne pourrait pas gagner ce combat en usant la violence mais au travers de techniques de désobéissance civile comme le boycotte, en usant des médias, en manifestant pacifiquement, en faisant des « sit-in »… Sa non-violence est donc loin d’être synonyme de passivité. Elle se définit comme résistance qui implique une volonté d’accepter la souffrance sans exercer de riposte. Son pacifisme est un modèle pour toutes et tous.

Gandhi, MLK…difficile de ne pas citer Nelson Mandela, sans oublier l’aspect violent de son engagement pour les droits humains de chacun.e : « J’ai lutté contre la domination blanche et j’ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d’une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie avec des chances égales ». Il était prêt à mourir pour cet idéal. En revanche, il considérait la résistance passive non-violente efficace tant que l’adversaire adhérait aux mêmes règles. Si la manifestation pacifique rencontre uniquement la violence, son efficacité prend fin. Pour lui, la lutte armée est donc un dernier recours. Là est la différence. Par contre, même dans cette période où il a participé à des actions militaires, il a toujours défendu les droits humains, le respect et la dignité de chacun ; ce qui l’a d’ailleurs conduit à faire le choix de discuter avec les responsables de l’apartheid. En optant pour cette voie pacifique, il finira par la prôner tout le reste de sa vie. Devenu président d’Afrique du Sud, il encensera alors la réconciliation nationale : tout le monde doit se tendre la main pour construire une société plus juste. Considéré comme un sage dans le monde entier, il est aujourd’hui reconnu pour la bonté exceptionnelle dont il a fait preuve.

À l’instar de Nelson Mandela qui a reçu un prix Nobel de la paix en 1993, Rigoberta Menchú a elle aussi reçu cette haute distinction « en reconnaissance de son travail pour la justice sociale et la réconciliation ethno-culturelle basées sur le respect pour les droits des peuples autochtones ». Femme politique et militante indigène guatémaltèque luttant pour les droits humains, elle est une figure de la paix. Lors la guerre civile qui a touché le Guatemala de 1962 à 1996, elle entame notamment une campagne pacifiste dénonçant la méthode du gouvernement et la violation des droits humains ; devenant ainsi une personne de notoriété publique symbolisant la violence commise à l’encontre de son peuple. Parallèlement, elle s’engage dans le débat public sur la situation de la femme en Amérique Latine, ce qui fait d’elle une activiste féministe. Née au Guatemala et étant originaire d’une communauté Maya, Rigoberta Menchù défend les peuples autochtones victimes des exactions de la dictature militaire. Par-là, elle ne cesse de plaider pour la réconciliation et la paix. Par ailleurs, si nous parlons de femmes qui œuvrent ou qui ont œuvré pour la paix et la non-violence, il est impossible de ne pas mentionner Rosa Parks. Le 1er décembre 1995, en refusant de céder sa place à un passager blanc dans un bus de Montgomery (Alabama), elle déclenche une vague de protestations retentissantes et devient l’égérie d’un mouvement national de défense des droits civiques. Cet acte silencieux et courageux a changé le cours de l’histoire. Icône de la lutte contre la ségrégation et emblème de la non-violence, elle reste en cela un exemple parmi celles et ceux qui ont eu le courage de dire non.

Nous pourrions continuer longtemps sur les grandes figures de la non-violence et de l’ICP car heureusement nombre sont les femmes et les hommes qui croient en l’action non-violente et en la résolution pacifique des conflits. En cela, n’hésitez pas à vous renseigner par exemple sur César Chávez, un défenseur mexico-américain des droits humains et militant des droits civiques dont nous saluons les luttes paysannes qu’il a menées entre le milieu des années 1960 et les années 1970, en Californie, sur le Pape qui prône la culture de la non-violence comme style d’une politique de paix aux peuples et aux nations du monde, sur Jacques de la Bollardière, le général qui a dit non à la torture en Algérie avant de consacrer le reste de sa vie à la non-violence, Desmond Tutu, ce leader non-violent qui s’est fait connaître au monde entier aux pires heures de l’apartheid du régime raciste d’Afrique du Sud, ce qui lui valut le prix Nobel de la Paix 1984 ou encore Albert Schweitzer qui a beaucoup œuvré en faveur d’un règlement pacifique des conflits entre les hommes. Somme toute, et comme l’a parfaitement dit Martin Luther King « la non-violence est la réponse aux cruciales questions politiques de notre temps… ».