Jambville à la recherche de la paix

 

À l’occasion de la semaine sur le terrain du Diplôme Universitaire sur l’Intervention Civile de Paix, le Centre d’activités des Scouts et Guides de France se transforme le temps d’une simulation en pays de Jambville. 52 000 km2. 800 000 habitants. Un pays qui abrite deux ethnies en guerre, les Mara, ethnie minoritaire, et les Tara.

Reconnu pour la richesse de ses sols minéraux, Jambville est le premier exploiteur et exportateur de cuivre de la région. Sans surprise, cette ressource attise les intérêts concurrents des Mara et des Tara et s’inscrit au centre d’un conflit pour le moins historique, à côté de tensions cristallisées autour de l’accès aux terres agricoles. En 2005, la découverte de mines de cuivre dans la région sud du pays n’a fait que complexifier la situation. Le conflit est désormais violent. Attaques d’installations, acquisition d’armes, intimidations, détentions arbitraires, rackets, assassinats…inutile de préciser que le contexte est gravement instable. 

Le pays est d’ailleurs aujourd’hui quasiment séparé en deux avec les Maras qui contrôlent la partie Est et les Taras qui ont la main mise sur la partie Ouest ainsi que sur la plus grande partie des zones sud via une forte présence militaire. Cette escalade de violence préoccupe aussi bien les acteurs de la société civile que les autorités internationales. Tous et toutes commencent à craindre que la guerre ne s’enflamme, surtout face à la possibilité pour les deux ethnies de renforcer à tout moment leurs capacités militaires… Il est alors grand temps d’explorer le terrain et d’évaluer si les conditions sont favorables à une mission d’intervention civile de paix. 

C’est ainsi que les élèves, entièrement plongé.e.s dans la simulation du conflit à Jambville, vont mettre en pratique l’ensemble des connaissances théoriques acquises lors des six mois de formation. Au cœur d’une mission d’intervention civile de paix, ils.elles vont devoir recueillir des informations fiables et à jour sur l’évolution des tensions et des violations de droits humains dans le pays, accompagner des acteur.ice.s de la société civile souvent menacé.e.s, observer des processus politiques, offrir des espaces d’écoute, de dialogue, de médiation et ainsi encourager les acteur.ice.s de la société civile locale à renforcer leurs capacité d’autoprotection, de plaidoyer de défense des droits humains. Non-violence, non-ingérence, internationalité, impartialité et horizontalité sont de mise. Ils.elles sont formé.e.s pour ça. 

 

Séparé.e.s en plusieurs petites équipes, les élèves se lancent ! En mission exploratoire, ils.elles ont pour objectif de déterminer si le déploiement d’équipes d’intervention civile de paix pérennes notamment dans la zone sud ou encore à la frontière est-ouest pourrait contribuer à calmer les tensions. Membres de l’organisation Protection internationale entre civils (PIC), ils embarquent donc à destination de Jambville. Internationaux ou nationaux (Taras et Maras), tous.tes forment l’équipe terrain PIC et interviennent dans le pays en mettant à profit leurs qualités d’observation, d’accompagnement des défenseur.e.s des droits humains et de médiation locale. En connaissance des enjeux du terrain et du conflit, ils sont là pour considérer et examiner la situation et s’informer. Inévitablement, rencontrer des acteurs.ices de la société locale est au cœur de leurs missions. Pour cause : leur potentiel pour la paix est énorme. Faisons le tour. Une journaliste qui connait parfaitement Jambville, ses lumières, ses points d’ombre, la guerre que le pays abrite ainsi que ses enjeux. Son métier l’oblige bien entendu à recueillir, rechercher et vérifier des informations et des renseignements d’ailleurs parfois compliqués à obtenir. En cela, elle représente une ressource majeure pour notre équipe en mission. Impossible ensuite de ne pas s’entretenir avec un défenseur des droits humains local qui s’efforce par des moyens non-violents de promouvoir et protéger les droits fondamentaux. Dans le pays, il agit face aux violations des droits humains, met en place des actions pour faire connaître les libertés et les droits fondamentaux et cherche à mettre en œuvre ces derniers et à veiller à ce qu’ils soient respectés. Finalement, les membres de PIC s’entretiennent avec un homme politique dont le discours sur le rapport de force dans le pays est précieux. Attention, cette mission exploratoire ne se fait pas sans embuche. Les Chapeaux verts, principal groupe armé des Taras (actuellement au pouvoir à Jambville), sèment bien souvent la terreur. Inutile de préciser qu’ils.elles ne voient pas d’un bon œil la collaboration entre Mara et Tara au sein des équipes du PIC. En revanche, les membres de PIC n’oublient pas à quel point il est important de créer un lien avec eux. Leur point de vue sur la situation sécuritaire du pays est sûrement subjectif mais il permet d’instaurer une relation de confiance afin que le travail de l’équipe PIC puisse avoir lieu et puisse se faire de la manière la plus favorable possible.


État des lieux effectué. La mission exploratoire prend fin. L’équipe a déterminé un besoin d’une mission d’intervention civile de paix. Sous peu, sera déployé une équipe de volontaires non-armé.e.s et impartiaux.les sur le théâtre de ce conflit. Cette mission permettra de renforcer le rôle et l’influence des acteurs.ices de la société civile engagé.e.s dans la recherche d’une solution politique au conflit qui les impliquent.

 

Lancé.e.s dans une mission d’intervention civile de paix, les élèves ont pu expérimenter de manière concrète le rôle d’une organisation de volontaires formés à la non-violence pour s’interposer dans des zones de conflit. Une simulation d’armée de la paix permise par une semaine riche en pratique organisée par le Comité ICP et l’Institut Catholique de Paris. De cette manière se termine alors la formation pour les élèves du DU Intervention civile de paix ; une méthode non-violente et innovante de résolution durable des conflits.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

Selon l’IRNC (Institut de recherche sur la Résolution Non-violente des Conflits), l’intervention civile se définit ainsi comme « l’intervention non armée de forces extérieures, mandatées par une organisation intergouvernementale, gouvernementale ou non gouvernementale, qui s’engagent dans un conflit local ou régional afin d’accomplir, sur les lieux- mêmes de l’affrontement, des missions d’observation, d’information, d’interposition ou de médiation et de coopération, en vue de prévenir ou de faire cesser la violence, de veiller au respect des droits humains, de promouvoir les valeurs de la démocratie et de la citoyenneté, et de créer les conditions d’une solution politique du conflit qui reconnaisse et garantisse les droits fondamentaux de chacune des parties en présence, et leur permette de définir les règles d’une coexistence pacifique ». Rien que ça. La mission lancée par l’équipe PIC viendrait en ce sens accomplir des actions d’observation, d’information, d’interposition, de médiation, de coopération et de formation adaptées à la situation, dans le but de réduire ou si possible de faire cesser la violence entre Taras et Maras, afin de créer les conditions d’une solution politique du conflit. Finissons par une phrase de Gandhi : « La non-violence ne consiste pas à renoncer à toute lutte réelle contre le mal. C’est au contraire, contre le mal, une lutte plus active et plus réelle que la loi du talion ».